• Les figures de la rhétorique

    La rhétorique a longtemps étudié les figures qualifiant les usages de la langue qui s’écartent de l’usage commun. La publicité tire en grande partie sa force de la transgression que permettent ces figures.

    Les figures de la rhétorique

    Substitution opérée par la métaphore : « Ils viennent les chevaux de la Mer ! » Jean Tardieu (La Grande marée de printemps, recueil Margeries, 2009). Huile sur toile, (1893) par Walter Crane.

    Une figure de style est un procédé d'expressions qui vise à produire un effet, une impression : émouvoir, séduire, convaincre, attirer l'attention...

    Une figure de style, du latin figura, est un procédé d’expression qui s’écarte de l’usage ordinaire de la langue et donne une expressivité particulière au propos. On parle également de figure de rhétorique ou de figure du discours. Si certains auteurs établissent des distinctions dans la portée des deux expressions, l’usage courant en fait des synonymes.

     

    Figures jouant sur le sens des mots

    Analogie : (Rhétorique) Un raisonnement par analogie (ou « raisonnement analogique ») conclut d’une ressemblance connue entre deux choses à une ressemblance encore inconnue. Il s’agit de tirer des conclusions nouvelles en s’appuyant sur des ressemblances entre deux choses.

    Substitution : Élimination d'un mot par un autre au cours de l'évolution d'une langue.

    Principe de base

    Nom

    Définition

    Exemple

    Analogie 

    l'image 

    fondée sur l'équivalence, l'image consiste en un rapprochement de deux champs lexicaux qui met en évidence un élément qui leur est commun

    « Les souvenirs sont cors de chasse. Dont meurt le bruit parmi le vent »

    Guillaume Apollinaire, Cors de chasse 

    la comparaison 

    la comparaison comporte trois éléments : le comparé - l'outil de comparaison - le comparant (éventuellement inversés)

    « La musique souvent me prend comme une mer »

    Charles Baudelaire, Les Fleurs du malLXIX. — La Musique 

    la métaphore 

    image sans outil de comparaison – on distingue la métaphore annoncée (ex.1) où le comparé et le comparant sont présents et la métaphore directe (ex.2) dans laquelle le comparé est sous-entendu, d'où une grande force de suggestion mais aussi un risque d'incompréhension qui rend nécessaire le contexte

    •  Métaphores annoncées :

    « Son rire de pluie fraîche » (Julien Gracq)

    « Vieil Océan, ô grand célibataire »(Comte de Lautréamont, Les Chants de Maldoror, Chant I)

    • ex.2, métaphore directe :

    « Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes »

    Paul Valéry, Charmes, Le Cimetière marin 

    le contexte permet de comprendre que « toit » renvoie à « mer » et « colombes » à « voiles de bateaux ».

    Substitution 

    La personnification ou l'animation 

    évocation d'une chose ou d'une idée sous les traits d'un être humain, d'un dieu ou d'un animal

    « Je vis les arbres s'éloigner en agitant leurs bras désespérés »

    Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleursDeuxième partie 

    « [...] la grande République
    Montrant du doigt
     les cieux ! »

    Victor Hugo, Les Châtiments, À l’obéissance passive 

    l'allégorie 

    représentation concrète d'un élément abstrait

    « Mon beau navire, ô ma mémoire »

    Guillaume Apollinaire, AlcoolsLa Chanson du mal-aimé 

    le symbole 

    image référence

    « Le poète est semblable au prince des nuées qui hante la tempête »

    Baudelaire, Les Fleurs du malL’Albatros 

    l'image filée (ou métaphore filée) 

    s'étend sur plusieurs éléments

    « [...] et Ruth se demandait,
    [...] Quel Dieu, quel 
     moissonneur de l’éternel été Avait, en s’en allant, négligemment jeté
    Cette
     faucille d’or dans le champ des étoiles »

    Victor Hugo, La Légende des sièclesBooz endormi 

    l’hypallage 

    épithète impertinente constituant une métaphore par le décalage de la relation logique entre les éléments d'une phrase

    « le mélancolique animal »

    Jean de La Fontaine, Le Lièvre et les Grenouilles 

    « Automne malade »

    Guillaume Apollinaire, AlcoolsAutomne malade 

    « Qu'au son des guitares nomades
    La gitane mime l'amour »

    Louis Aragon, Le Roman inachevé, À chaque gare de poussière...

    le cliché 

    image considérée comme usée

    « La neige étend son blanc manteau »

     la formule célèbre de Gérard de Nerval :« Le premier homme qui a comparé une femme à une fleur était un poète, le deuxième un imbécile ».

    la métonymie 

    elle remplace un terme par un autre qui a un rapport logique mais qui n'a aucun élément matériel commun. Elle peut substituer le contenant au contenu (ex), le symbole à la chose (les lauriers = la gloire), l'objet à l'utilisateur (le premier violon), l'auteur à son œuvre (un Zola), l'effet à la cause (Socrate a bu la mort = la ciguë)...

    « C'était au temps où Bruxelles chantait »

    Jacques Brel, Bruxelles 

    la synecdoque 

    c'est une variété de métonymie, parfois confondue avec elle ; elle est fondée sur le principe de l'inclusion. Elle permet d'exprimer la partie pour le tout (ex.1) ou la matière pour l'objet (ex.2)

    • ex.1 :
    « Mon bras qu’avec respect toute l’Espagne admire,
    Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, »
    Corneille, Le Cidacte I, scène 4 
    •  ex.2 :
    « Ah ! quelle cruauté, qui tout en un jour tue

    Le père par le fer, la fille par la vue ! »

    Corneille, Le Cidacte III, scène 4 

    l'antonomase 

    nom propre employé comme nom commun

    « C'est l'ennui de me voir trois ans et davantage,
    Ainsi qu'un
     Prométhée, cloué sur l'Aventin 

    Du Bellay, Les Regrets, Ce n'est que le fleuve… 

    l'euphémisme 

    atténuation pour éviter de heurter ; procédé utilisé par exemple comme marque poétique et qui passe souvent par une périphrase avec également une fonction métaphorique

    « La Parque t'a tuée, et cendres tu reposes »

    Ronsard, Sur la mort de Marie, V - Comme on voit sur la branche au mois de May la rose 

    la litote 

    atténuation qui suggère le plus en disant le moins, souvent à l'aide d'une tournure négative (ex.1). Également procédé d'ironie (ex.2)

    ·         ex.1 : « Va, je ne te hais point » (= je t'aime) (Corneille) - « Ce n'est pas drôle »(= c'est dramatique)

    ·         ex.2 : « Ensuite la mousquèterie ôta du meilleur des mondes neuf à dix mille coquins… » (= extermina) - (Voltaire, Candide, Chapitre 3)

    la périphrase 

    remplacement du mot par une expression explicative, fonction poétique et métaphorique ou atténuation

    « Les Filles du limon tiraient du Roi des Astres
    Assistance et protection »

    La Fontaine, Le soleil et les grenouilles

    l'antiphrase 

    expression d'une idée par son contraire avec une ironie clairement perceptible d'où nécessité du contexte ou de l'intonation

    « Tout ce joli monde se retrouvera là-haut
    Près du bon dieu des flics »

    Jacques Prévert, Paroles, Le Temps des noyaux 

     

    Figures jouant sur la place des mots

    Instistance : Souligner quelque chose avec force, mettre l'accent dessus, s'y arrêter, en prendre un soin particulier

    Opposition : Rapport distinctif existant entre des unités de même niveau (phonème, morphème) pouvant être substituées l'une à l'autre en un point donné de l'énoncé. (Ainsi, la différence de voisement entre | p | et | b | permet de distinguer pas et bas, ce qui constitue une opposition phonologique.)

    Principe de base

    Nom

    Définition

    Exemple

    Insistance 

    l'épanadiplose

    reprise à la fin d'une proposition du même mot que celui situé en début (ex. 1), par opposition à l'anadiplose qui est une reprise juxtaposée (ex. 2)

    ·         ex. 1 (épanadiplose) : « L'homme peut guérir de tout, non de l'homme » (Georges Bernanos)

    ·         ex. 2 (anadiplose) :

    « Comme le champ semé en verdure foisonne,
    De
     verdure se hausse en tuyau verdissant,
    Du
     tuyau se hérisse en épi florissant »

    Du Bellay, Les Antiquités de Rome, 30 

    l'épanalepse

    reprise d'un groupe de mots au début d'une proposition (construction emphatique)

    « Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle... »

    Jean Racine, Andromaque, acte III, scène 8 

    l'anaphore

    reprise de mots dans des constructions semblables avec un effet de rythme sensible

    « Puisque le juste est dans l'abîme,
    Puisqu'on donne le sceptre au crime,
    Puisque
     tous les droits sont trahis,
    Puisque
     les plus fiers restent mornes,
    Puisqu'on affiche au coin des bornes
    Le déshonneur de mon pays... »

    Victor Hugo, Les ChâtimentsLivre deuxième, V : Puisque le juste est dans l'abîme 

    l'épiphore

    reprise d'un mot ou de plusieurs mots dans deux ou plusieurs phrases ou vers qui se succèdent

    « Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
    Interminablement, à travers le jour
     gris,
    Ligne les carreaux verts avec ses longs fils
     gris,
    Infiniment, la
     pluie,
    La longue
     pluie,
    La
     pluie

    Émile Verhaeren, Les Villages illusoires, La pluie 

    l'accumulation

    juxtaposition (ex. 1), avec éventuellement un effet de gradation croissante ou décroissante, et d'acmé (point culminant, ex. 2) ou climax

    ·         ex. 1 :

    « adieu veau, vache, cochon… 

    La Fontaine, La Laitière et le Pot au lait 

    ·         ex. 2 :

    « Va, cours, vole, et nous venge. »

    Corneille, Le Cidacte I, scène V 

    le parallélisme

    structure en miroir montrant l'identité ou l'opposition (proche de l'antithèse)

    « Mon cheval sera la joie
    Ton cheval sera l'amour »

    Victor Hugo, La Légende des siècles, Les Chevaliers errants, Éviradnus, XI : Un peu de musique 

    l'hyperbole

    amplification traduisant l'émotion ou apportant un souffle épique (ex. 1), éventuellement avec un effet ironique ou plaisant (ex. 2)

    ·         ex. 1 :

    « Semble élargir jusqu'aux étoiles
    Le geste auguste du semeur »

    Victor Hugo, Les Chansons des rues et des boisSaison des semailles. Le soir 

    « Ô République universelle,
    Tu n'es encor que l'étincelle,
    Demain tu seras le soleil ! »

    Victor Hugo, Les ChâtimentsLux 

    ·         ex. 2 :

    « Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois »

    La Fontaine, Le Corbeau et le renard 

    Opposition 

    le chiasme

    parallélisme et inversion, souligne l'union ou l'opposition

    « Parler en mangeant, manger en parlant

    Balzac

    « Tu m'emmènes, je t'enlève... »

    Victor Hugo, La Légende des siècles, Les Chevaliers errants, Éviradnus, XI : Un peu de musique 

    l'antithèse

    parallélisme et opposition

    « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ; »

    Louise Labé, Anciens poètes de France 

    l'oxymore

    variété d'antithèse à l'intérieur d'un groupe nominal, d'une expression

    « Les chers corbeaux délicieux »

    Arthur Rimbaud, PoésiesLes Corbeaux 

    « Le superflu, chose très nécessaire »

    Voltaire, Le Mondain 

    le zeugme (ou zeugma)

    Ellipse d'un mot ou d'un groupe de mots qui devraient être normalement répétés, ce qui a pour conséquence de mettre sur le même plan syntaxique deux éléments appartenant à des registres sémantiques différents

    « Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
    Sous le
     faix du fagot aussi bien que des ans
    Gémissant [...] »

    La Fontaine, La Mort et le bûcheron 

     

    Figures jouant sur les sonorités et qui relèvent plus proprement de l'art poétique

    Principe de base

    Nom

    Définition

    Exemple

    Reprise de sons 

    l’allitération

    répétition dans plusieurs mots d'une sonorité consonantique avec un effet de rythme marqué, pouvant créer une harmonie imitative

    répétition expressive des /r/ :

    « Tandis que les crachats rouges de la mitraille
    Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;
    Qu'écarlates ou verts, près du
     Roi qui les raille,
    Croulent les bataillons en masse dans le feu ; »

    Arthur Rimbaud, PoésiesLe Mal 

    l’assonance

    [stylistique] répétition d'une voyelle dans plusieurs mots d'une même phrase (ex. 1) ; [poétique] rimes qui s’accouplent sur un groupe vocalique formé d’une voyelle tonique identique et d'un phonème consonantique variable (opposé : contre-assonance)

    reprise du son /an/ :

    « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant »

    Paul Verlaine, Poèmes saturniensMelancholia — VI : Mon rêve familier 

    l'homéotéleute

    répétition d'un son ou d'un groupe de sons à la finale de plusieurs mots successifs

    « cette tour était la flèche la plus hardie,
    la plus ouvrée,
    la plus menuisée,
    la plus déchiquetée,
    qui ait jamais laissé
     voir le ciel
    à travers son cône dentelle »

    Victor Hugo, Notre-Dame de Paris 

    Proximité des sons 

    la paronomase

    jeu sur la proximité des sons (paronymie)

    « Et l’on peut me réduire à vivre sans bonheur,
    Mais non pas me résoudre à vivre sans
     honneur. »

    Corneille, Le Cidacte II scène 2 

    « Comme la vie est lente
    Et comme l'Espérance est
     violente »

    Guillaume Apollinaire, AlcoolsLe Pont Mirabeau 

     

    Figures jouant sur la syntaxe

    Principe de base

    Nom

    Définition

    Exemple

    Rupture de construction 

    l'ellipse et l’asyndète

    juxtaposition sans lien grammatical (parataxe) qui marque de l'émotion ou la spontanéité (ex.1), ou constitue un raccourci frappant (ex.2)

    ·         ex.1 Ellipse :

    « Ça a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit. Rien. C'est Arthur Ganate qui m'a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade. »

    Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, incipit 

    ·         ex.2 Asyndète : « Métro, boulot, dodo » 

    l'anacoluthe

    non-respect de la syntaxe courante, par exemple non rattachement de l'adjectif au nom

    « Exilé sur le sol au milieu des huées
    Ses ailes de géant l'empêchent de marcher »

    Charles Baudelaire, Les Fleurs du malL’Albatros 

     

    Figures jouant sur le discours

    Principe de base

    Nom

    Définition

    Exemple

    Discours recréé 

    la prosopopée

    donner la parole à un absent

    « Écoutez. Je suis Jean. J'ai vu des choses sombres »

    Victor Hugo, Les ContemplationsLivre VI, IV : « Écoutez. Je suis Jean. J’ai vu des choses sombres » 

    Hugo fait parler saint Jean, bouche d'ombre de l'Apocalypse

    Silence non tenu 

    la prétérition

    parler de quelque chose après avoir annoncé que l'on ne va pas en parler

    « Je n'essaierai donc pas de vous décrire quel sombre enthousiasme se manifesta dans l'armée insurgée après l'allocution de Biassou. Ce fut un concert distordant de cris, de plaintes, de hurlements. Les uns se frappaient la poitrine, les autres heurtaient leurs massues et leurs sabres… »

    Victor Hugo, Bug-Jargal, ch. XXIX 

    Interpellation feinte 

    la question rhétorique

    fausse question destinée à garder ou à susciter l'intérêt du lecteur interpellé

    « Fit-il pas mieux que de se plaindre ? »

    La Fontaine, Le Renard et les Raisins 

     Source : http://www.larousse.fr et http://fr.wikipedia.org/wiki/Figure_de_style

    « Le recours aux lieux communs et spécifiquesLes figures de rhétorique dans la publicité »

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 19 Mai 2016 à 11:56

    Bon article

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